Parmi les réalisations sociales déployées par les métallos CGT depuis plus d’un siècle, il en est une dont on a fêté le 80e anniversaire : la Mutuelle familiale. Indépendante aujourd’hui, celle-ci n’en garde pas moins des liens privilégiés avec notre organisation, à l’image de sa présidente, Léonora Tréhel, qui a été secrétaire générale du syndicat CGT Talbot à Poissy.
Mutualité et syndicalisme
Les sociétés de secours mutuels, chargées de distribuer – contre cotisation – des prestations en cas de maladie, d’invalidité ou de vieillesse, s’organisent selon les principes de solidarité, de non-profit et de gestion démocratique. Des ouvriers s’en saisissent pour contourner l’interdiction des associations ouvrières imposée en 1791 par la loi Le Chapelier, avant que celles-ci ne soient bâillonnée par le Second Empire de Napoléon III. La mutualité parvint à s’émanciper, en faisant reconnaître sa spécificité en 1898, quelques années après la naissance de la CGT.
Syndicalisme et mutualité ne se rapprochent pas pour autant, le premier reprochant à la seconde de ne traiter que des symptômes, sans s’attaquer à leur cause : le capitalisme. La situation évolue au cours des années trente, pour basculer lors du Front populaire.
La Mutuelle du métallurgiste
Décidée en juillet 1936, la création d’une « Mutuelle du métallurgiste » pour les métallos de la région parisienne adhérents à la CGT est chose faite le 16 janvier 1937. Celle-ci s’intègre dans un vaste réseau de réalisations sociales qui comprend notamment la policlinique syndicale de la rue des Bluets à Paris (XIe arr.). Mais son existence est de courte durée. La répression, qui s’abat après le déclenchement de la guerre en septembre 1939, se traduit par la dissolution de la mutuelle qui comptait alors 40 000 adhérents. Les membres de son bureau, par ailleurs militants syndicalistes et politiques, entrent en résistance. Si certains traversent cette période noire, comme Albert Sagette ou André Leveillé, d’autres ont en revanche perdent la vie, comme Henri Gautier, René Codomié ou Marius Ruch.
En avril 1945, la guerre à peine achevée, la Mutuelle du métallurgiste peut renaître, dans le contexte de mise en œuvre du programme du Conseil National de la Résistance qui, entre autres, prévoit la création de la Sécurité sociale. Celle-ci voit le jour en octobre 1945, sous l’impulsion d’Ambroise Croizat, ministre du Travail et dirigeant de notre fédération.
Ce nouveau départ s’accompagne, en 1946, d’un élargissement à l’interprofessionnel – symbolisé par un nouveau nom : Mutuelle familiale des travailleurs de la région parisienne (MFTRP) – et d’un abandon de l’exigence d’être adhérent à la CGT pour en bénéficier. Ses effectifs atteignent rapidement 35 000 bénéficiaires en avril 1947, grâce à l’action des comités d’entreprise nouvellement créés.
Les débuts de la guerre froide sont marqués par d’importants débats sur la structuration de la mutuelle, sur son autonomie à l’égard du mouvement syndical, mais également par des réalisations, comme le rôle moteur joué dans la création de l’Union des mutuelles ouvrières de la région parisienne en 1948, dans le développement des accords de tiers payant à partir de 1949 ou dans la promotion de la méthode dite « de l’accouchement sans douleurs » développée par l’équipe du docteur Fernand Lamaze à la policlinique des Bluets à partir de 1952.
Une mutuelle en pointe
Le combat de la Mutuelle familiale pour la défense de la Sécurité sociale et des valeurs mutualistes est constant et, à plusieurs reprises, victorieux. Ainsi, la Cinquième République à peine sur pied, le président de Gaulle tente d’imposer, en décembre 1958, une franchise pour les soins médicaux. La lutte, initiée par la Mutuelle, parvient à faire reculer le gouvernement, qui revient à la charge en 1964, avec la volonté d’obtenir l’interdiction du tiers payant et la fermeture des centres d’optique et de pharmacie mutualistes. Il ne put l’imposer. L’offensive, par voie d’ordonnances, en 1967, eut davantage de succès, en dépit de l’ampleur des grèves de mai-juin 1968.
En 1967, elle groupe 135 000 adhérents issus de plus d’un millier d’entreprises de la région parisienne, tandis que son autonomie à l’égard du mouvement syndical s’affirme.
Elle participe aux luttes des femmes, en soutenant notamment le droit à la contraception et à l’avortement. Cet engagement se traduit par l’élection, en 1971 d’Adrienne Pivardière à la présidence de la Mutuelle familiale, une première dans l’histoire d’une grande mutuelle française, d’autant plus qu’elle ouvre la voie à près d’un demi-siècle de présidence féminine !
Sixième mutuelle française lors de l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 avec 209 000 adhérents, ses effectifs sont divisés par deux en 1992. Cette dégringolade traduit les difficultés rencontrées par la Mutuelle familiale avec la désindustrialisation, le chômage grandissant et l’âpre concurrence des groupes d’assurances sur la couverture maladie complémentaire.
Une histoire… à poursuivre !
Malgré ses difficultés, la Mutuelle familiale prend un nouveau départ durant la seconde moitié des années 1990 et ses effectifs repartent à la hausse. Ces vingt dernières années ont été marquées par sa participation aux luttes de défense de la Sécurité sociale, à l’image de celles de « l’hiver de la colère » en 1995 et par la poursuite des actions innovantes de prévention, par exemple pour la généralisation du dépistage du cancer du sein ou avec la création de la fondation « Fondation Santé-Environnement ». Elles ont également confirmé le rôle de pôle d’attraction de la Mutuelle familiale, qui a accueilli en son sein de nombreuses mutuelles et a pris une part active à la constitution de l’union de groupe mutualiste Umanens en 2013.