Les privations imposées par la guerre et l’occupant attisent les colères. À partir de l’été 1943, des grèves éclatent, chez les métallos de Gnome-et-Rhône et Westinghouse en région parisienne ou de Montbard (Côte-d’Or), tandis que les adhésions affluent. La peur change de camp après le débarquement allié en Normandie en juin 1944. Débrayages et manifestations s’accentuent, jusqu’à la grève générale lancée par la CGT le 18 août. L’insurrection parisienne, débutée le lendemain sous la direction du colonel Rol-Tanguy, métallo CGT et ancien des Brigades internationales en Espagne, s’achève six jours plus tard par une capitulation allemande.
La classe ouvrière a payé le prix fort de ces six années de guerre totale. C’est ainsi que plus d’un millier de métallurgistes CGT sont tombés dans ce combat, pour que vivent la paix et la liberté.
Reconstruire le pays
Le pays est ruiné, la production désorganisée. Deux millions d’immeubles, 6 000 locomotives et 200 000 wagons ont été détruits, trente hauts fourneaux marchent sur plus de deux cents.
La Fédération des métaux, reconstituée en septembre 1944, se lance avec toute la CGT dans la « Bataille de la production ». Les revendications matérielles sont subordonnées à la production, pour achever la libération du territoire, accélérer la reconstruction économique – et donc l’indépendance politique – du pays à l’égard des Alliés. Les métallos, comme les mineurs, sont au cœur de cette bataille qui dure jusqu’au printemps 1947.
La lutte passe aussi par la réalisation du programme du Conseil national de la Résistance : nationalisations dont Gnome-et-Rhône et Renault, adoption du statut de la fonction publique, création des comités d’entreprise ou encore mise en œuvre de la Sécurité sociale. Des métallurgistes CGT jouent un rôle essentiel dans ces conquêtes : Ambroise Croizat bien sûr, mais aussi Henri Jourdain, André Leveillé et beaucoup d’autres.
La Guerre froide
Alors que les pénuries et les difficultés perdurent, la Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie, forte de son quasi-million d’adhérents fin 1946, agit pour les salaires, les nationalisations et une convention collective nationale de la métallurgie.
1947 est un tournant décisif. Le discours de Winston Churchill, à Fulton (États-Unis) en mars 1946, préfigure la division du monde en deux blocs que tente d’imposer sur le plan économique les États-Unis un an plus tard, au travers du Plan Marshall. De profondes divergences apparaissent, entre ex-unitaires défendant l’indépendance nationale et rejetant le Plan et ex-confédérés, regroupés derrière Léon Jouhaux dans la tendance « Force ouvrière », et soutenant celui-ci.
En mai 1947, au prétexte d’avoir violé la solidarité gouvernementale en soutenant les grévistes de Renault, les ministres communistes sont renvoyés, comme leurs homologues italiens au même moment. Les dures grèves de l’hiver 1947 signent la rupture définitive. La tendance « Force ouvrière » quitte la CGT et fonde sa propre organisation, soutenue par la centrale américaine AFL-CIO et la CIA, tandis que sur le plan international, la scission se répète fin 1949 au sein de la Fédération syndicale mondiale (FSM).
Durant les dix années qui suivent, la Guerre froide donne le ton. La Fédération des CGT des travailleurs de la métallurgie est de tous les combats, contre le réarmement allemand, pour la paix en Indochine puis en Algérie, contre le pouvoir personnel gaulliste et l’instauration de la Ve République, contre une construction européenne aux mains des grands monopoles. Le climat est tendu, les luttes dures, la répression féroce. La syndicalisation recule, la conflictualité s’essouffle, malgré quelques belles victoires, comme celle, unitaire, des métallurgistes de Saint-Nazaire en 1955 ou la généralisation de la troisième semaine de congés payés la même année. Il faudra attendre le début des années soixante pour que l’horizon se dégage…