« Qui gagne la jeunesse, s’assure l’avenir ! » Rien d’étonnant donc à ce que le syndicalisme s’en préoccupe depuis ses origines. Ainsi, au congrès d’unité de la métallurgie en mai 1909, la motion suivante est adoptée : « La Fédération fera en sorte d’activer la propagande chez les jeunes ; à cet effet, il sera formé dans le sein de chaque syndicat adhérent à la Fédération une section dite d’adhérents. »
Syndiquer les jeunes en formation ou à l’entreprise, les organiser dans des collectifs, identifier et défendre leurs revendications particulières, les former pour assurer l’avenir de l’organisation sont des enjeux permanents. Mais le vœu formulé en 1909 tarde à trouver une traduction, même si la Fédération peut compter sur l’engagement précoce de nombreux militants, à l’image d’un Henri Gautier, dirigeant à tout juste 25 ans de la grande grève des métallurgistes havrais en 1922 ou d’un Ambroise Croizat qui, à 15 ans, payait sa première cotisation chez les métallos lyonnais.
Le souffle du Front populaire
L’afflux d’adhésions accompagnant le Front populaire en 1936 donne à la Fédération des moyens nouveaux, dans un contexte marqué par la naissance des Auberges de jeunesse et la création du sous-secrétariat d’État au sport et aux loisirs. L’urgence est à la création effective des « commissions de jeunes » à tous les échelons de l’organisation, tandis que, côté réalisations, les métallurgistes mettent l’accent sur l’amélioration du statut des apprentis et investissent le sport, les loisirs et la culture.
Le déclenchement de la guerre, l’occupation nazie et la collaboration du régime de Vichy, puis la libération du territoire placent la jeunesse au premier rang. Exemple tragique parmi tant d’autres, la plaque commémorative des métallurgistes parisiens mentionne 62 camarades de moins de trente ans. Le plus jeune avait seize ans.
Gagner les revendications
Dans l’atmosphère troublée des années d’après-guerre, de la bataille pour la reconstruction du pays, des pénuries et des grèves dures, la Fédération obtient ses premiers succès revendicatifs : un mois de salaire pour les appelés du service militaire dans une cinquantaine d’entreprises, création d’une école d’apprentissage chez Blanc-Misseron (Nord), droit de vote à 16 ans et éligibilité à 18 ans aux Ateliers Phocéens de Réparations (Bouches-du-Rhône). N’oublions non pas la mise en place des comités d’entreprise qui favorise le développement des activités sociales et culturelles. L’organisation fédérale progresse, avec 450 sections de jeunes constituées mais, dans le même temps, le bulletin mensuel fédéral Jeunesse métallurgiste doit cesser de paraître après cinq numéros en raison de difficultés financières.
La guerre d’Algérie
Confrontée à une érosion rapide de ses effectifs, la Fédération impulse une nouvelle tactique en 1954 pour conforter les luttes et les victoires revendicatives. Celle-ci suppose la « particularisation » des revendications, c’est-à-dire la prise en compte des spécificités industrielles, territoriales ou encore catégorielles (notamment jeune) dans l’établissement des revendications. Mais c’est la paix et le droit à l’autodétermination des peuples qui mobilisent surtout les énergies. Les jeunes y sont sensibles, particulièrement pour la sale guerre d’Algérie où, entre 1952 et 1962, plus d’un million d’entre eux furent appelés sous les drapeaux, pour un service allant de 18 à 30 mois.
Une vague de jeunes, nés du baby-boom, débarque sur le marché du travail à l’orée des années soixante. Les métallos de moins de 25 ans passent ainsi de 230 000 en 1948 à près de 750 000 en 1973 ! L’enjeu est énorme, d’autant plus que la crise économique produit au même moment ses premières restructurations industrielles, approfondit le travail à la chaîne et enracine un chômage de masse, surtout chez les jeunes sans qualifications.
Un nouveau départ
L’offensive revendicative, sensible après 1963, incite la Fédération à relancer l’activité en direction de la jeunesse. Une conférence nationale, réunissant 300 jeunes à Paris en 1966, fait le point sur l’organisation et les revendications. Il ne reste alors qu’une soixantaine de collectifs jeunes en activité, sans réelle coordination fédérale.
Les grèves de mai-juin 1968 insufflent une énergie nouvelle et, au-delà des étudiants, la jeunesse salariée se mobilise et gagne des droits nouveaux. Dans la métallurgie, les réductions de salaire en fonction de l’âge sont supprimées dans sept conventions collectives et une trentaine d’entreprises, dont Penarroya à Marseille ou Massey-Ferguson à Marquette, tandis qu’une cinquième semaine de congés payés est acquise dans trois conventions collectives et 34 entreprises, dont Rateau à La Courneuve ou Turboméca à Bordes. Huit entreprises obtiennent des heures payées pour la pratique du sport, dont les ARCT à Roanne, tandis que le droit de vote à 16 ans et l’éligibilité à 18 ans est acquis pour les élections professionnelles chez Flandria à Warneton ou Messier à Montrouge. Mieux, la jeunesse salariée se syndique CGT ! Sur les 400 000 adhésions nouvelles enregistrées après l’été 1968, entre 60 et 70 % sont des jeunes.
Une organisation spécifique
On change dès lors de braquet. Un centre confédéral de la jeunesse (CCJ) voit le jour en novembre 1968. Sa déclinaison fédérale (le CFJ), décidée par le 26e congrès, tient sa première réunion en février 1969. Cette structure nouvelle, qui comprend un secrétariat, un bureau et une commission nationale, n’est pas un organisme dirigeant, mais un outil pour impulser le travail et soumettre des propositions à la direction fédérale. Une activité soutenue se déploie alors, avec la rédaction d’un avenant « jeunes » au projet de convention collective nationale de la Fédération et la relance des collectifs « jeunes » dans les syndicats et territoires. La confédération impulse au même moment des temps forts, comme le Rassemblement national de la Jeunesse qui réunit 1 200 jeunes dans les débats et 12 000 au meeting de clôture en mai 1970 ou encore les Assises nationales de la jeunesse, en juin 1974, auxquelles assistent 2 400 délégués.
Face à la crise
Pourtant, la direction fédérale souligne à maintes reprises la sous-estimation chronique du travail syndical spécifique à faire en direction des jeunes. L’enjeu est pourtant de taille. Cette main-d’œuvre, qui se concentre dans l’électronique, l’électroménager et les nouvelles usines automobiles (Renault Flins par exemple) et tout particulièrement dans le centre-ouest, est la première victime du chômage et de la précarité.
L’activité s’affaiblit, en même temps que la désyndicalisation fragilise la CGT. Les luttes ne cessent pas pour autant. Il y a ainsi la tenue, en 1981, de « tribunaux de la jeunesse » jugeant symboliquement patronat et gouvernement, les luttes menées à la Snecma en 1984 sur les qualifications ou encore les embauches définitives de jeunes précaires chez Iveco à Bourbon-Lancy ou Alsthom au Petit-Quevilly en 1988.
Après une parenthèse de plusieurs années, un collectif fédéral « jeunes » renaît en 2002. Les luttes de la jeunesse, en particulier contre le CPE/CNE en 2006, et les initiatives fédérales, comme le Tour de France des jeunes métallos fin 2010, ne parviennent toutefois pas à redonner à cette activité spécifique toute sa place. Pourtant, avec 380 000 jeunes de moins de 30 ans travaillant dans la métallurgie et les services de l’automobile, cela reste un enjeu d’actualité !