Au tournant du XXe siècle, l’accélération de la concentration industrielle et financière incite la CGT à dépasser le syndicalisme de métiers pour s’engager sur la voie des fédérations d’industrie. Cette décision, prise lors du congrès confédéral d’Amiens en 1906, est réaffirmée à celui de Marseille en 1908 qui enjoint les 63 fédérations existantes à se regrouper. C’est ainsi que dans la métallurgie, un congrès est convoqué du 28 au 30 mai 1909 à la Bourse du Travail de Paris.
L’unité réalisée au sein de la « Fédération des ouvriers en métaux » associe aux métallurgistes et ouvriers du cuivre, les chauffeurs-conducteurs, les mouleurs et les modeleurs. Elle est toutefois incomplète, ne parvenant pas à convaincre la maréchalerie, la ferblanterie, la bijouterie, la voiture et les mécaniciens à la rejoindre. Elle apparaît aussi fragile, dans la mesure où les orientations et pratiques syndicales de ses composantes sont différentes, parfois divergentes. Cette fragilité s’est accentuée par la suite, dans un contexte marqué par la puissance de l’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM) créée en 1901 et le développement des luttes ouvrières.
La Première Guerre mondiale
Le déclenchement de la Première Guerre mondiale en août 1914 n’entraîne pas la « grève générale contre la guerre » comme prévu et la CGT se rallie à l’« Union sacrée ». La Fédération des métaux prend immédiatement ses distances et son secrétaire général, Alphonse Merrheim, est l’un des rares dirigeants syndicaux à défendre une position pacifiste durant la guerre. Ce conflit est une opportunité inespérée pour le patronat de la métallurgie de se doter d’un outil de production démultiplié et performant et d’amasser de confortables profits, mais l’agitation ouvrière est stimulée, à partir de 1917, par des salaires insuffisants, des conditions de travail éprouvantes et par une guerre qui s’éternise.
Un flot de nouveaux adhérents, en particulier des femmes et des jeunes, donne un nouveau souffle. Cela contribue à rouvrir le débat sur l’attitude de la CGT durant la guerre et sur l’orientation du syndicalisme, à la lumière des révolutions russes de l’année 1917. À l’opposition entre partisans et adversaires de l’« Union sacrée » se substitue une opposition entre « réformistes » et « révolutionnaires ». Cette question devient essentielle dès la grande vague de grèves de 1919 et 1920.
La scission
Cet antagonisme aboutit, lors du congrès de Tours, en 1920, à la scission entre parti socialiste et parti communiste sur la base d’un profond désaccord sur la portée de la révolution russe et sur les potentialités politiques de la période. Un an plus tard, la minorité révolutionnaire, exclue de la CGT, fonde en 1922 sa propre organisation, la CGT-Unitaire.
Deux organisations cohabitent désormais dans la métallurgie, la Fédération CGT, à direction réformiste, et la Fédération CGTU, à direction révolutionnaire. Si la seconde conserve la majorité des effectifs syndiqués, la division pèse sur la syndicalisation, en très net recul à partir de mai 1920.
Durant une quinzaine d’années, deux conceptions du syndicalisme s’affrontent, parfois très durement. La CGT privilégie une politique de présence, d’expertise dans les institutions, défend un programme économique et social minimum comprenant la planification, des nationalisations et des droits syndicaux, tandis que la CGTU lance des grèves dures et se revendique de la lutte antimilitariste et anticapitaliste, vers une nouvelle société sans classes.
Cette situation évolue toutefois au cours des années trente. Le 6 février 1934, une manifestation des ligues d’extrême-droite dégénère, tente d’envahir l’Assemblée nationale et de faire tomber la République. Cet événement est le point de départ d’une prise de conscience des forces de gauche qui déboucha sur un processus de réunification de la CGT ainsi qu’aux grèves du Front populaire, un épisode que nous verrons le mois prochain.