Le patronat de la métallurgie

UIMM. Ces quatre lettres incarnent la puissance patronale. L’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM) plonge ses racines au début du 19e siècle, avec l’éclosion de syndicats patronaux. Les premières structures nationales apparaissent en 1840, avec le Comité des intérêts métallurgiques (CIM) et l’Union des constructeurs de machines, ancêtre de la Fédération des industries mécaniques (FIM). Les grèves et la politique libre-échangiste de Napoléon III incitent le patronat métallurgique à aller plus loin, avec la constitution du Comité des Forges de France (CFF) en 1864. Au tournant du siècle, le patronat resserre ses rangs, face à l’intervention croissante de l’État, à l’essor des grèves et à la naissance de la CGT (1895). Devant l’impuissance du CFF, les principaux syndicats patronaux de la métallurgie constituent l’UIMM en mars 1901. Ses premiers faits d’armes furent de retarder à plusieurs reprises la parution du code du travail et la réduction du temps de travail.

La Première Guerre mondiale est une formidable opportunité pour la métallurgie. L’UIMM devient l’interlocutrice inévitable de la réorganisation de l’économie, tandis que les commandes militaires favorisent l’éclosion de futurs grands groupes comme Dassault, Citroën ou Renault et l’accumulation d’insolents profits. Schneider et Cie réalise ainsi jusqu’à 40 % de marge. « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels », rappelait à juste titre Anatole France en 1922 dans L’Humanité.

Durant l’entre-deux-guerres, l’UIMM lance une caisse d’assurance contre les grèves et réfrène les ambitions ouvrières sur le temps de travail, la protection sociale et la formation professionnelle. Mais face aux grèves de mai-juin 1936, le patronat doit lâcher du lest. Il redresse vite la tête et repousse le projet de convention collective nationale de la FTM-CGT et obtient des dérogations aux quarante heures. Participant sans enthousiasme aux préparatifs de guerre, le patronat accueille la défaite de juin 1940 avec pragmatisme. Entre Hitler et le Front populaire, le choix avait été fait. L’instauration de la Charte du Travail (1941) s’effectue avec l’appui de l’UIMM, qui y voit le moyen de promouvoir paternalisme et collaboration de classes.

Dans sa grande majorité, le patronat métallurgique a collaboré avec l’occupant nazi, au nom du « réalisme économique », une attitude qui lui valût une franche hostilité populaire à la Libération. L’UIMM s’ingénie alors à circonscrire l’épuration des collaborateurs, à limiter la portée des nationalisations, des comités d’entreprise et de la sécurité sociale et à écarter une nouvelle fois le projet de convention collective nationale de la FTM-CGT. La division syndicale, avec la création de Force ouvrière (1947), encourage l’UIMM à exclure la CGT des négociations collectives et du paritarisme et à privilégier la CFTC, la CGC et Force ouvrière.

Les grèves de mai-juin 1968, prélude à une décennie de conflits sociaux musclés, bousculent le patronat, qui doit reconnaître malgré lui le droit syndical dans l’entreprise. Pour éteindre l’incendie, l’UIMM redore l’image patronale dans les médias, cède sur plusieurs revendications – comme la formation ou la mensualisation des salaires – et favorise l’implantation de syndicats dits « indépendants » (CFT-CSL) et de milices pour faire régner l’ordre dans les entreprises. L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 écorne peu l’influence de l’UIMM. Les nationalisations tant redoutées laissent les hommes du patronat aux commandes et les entreprises devenues publiques continuent de cotiser à l’UIMM ! Les profondes restructurations industrielles amorcées à partir des années 1970 ont toutefois amoindri le poids financier et politique de l’UIMM au sein du patronat. En 2007, la révélation de l’existence d’une caisse noire lève un coin de voile sur ses pratiques, l’incitant à faire profil bas, pour mieux riposter. L’offensive lancée contre les garanties collectives dans la métallurgie en témoigne, l’UIMM est plus que jamais une union de combat.

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