Lucien Chavrot (1925-2019)

Né le 24 mars 1925 à Champier (Isère) d’un père galochier, sans engagement militant mais aux opinions très marquées à gauche, et d’une mère tisseuse en soierie, Lucien Chavrot a obtenu son certificat d’études primaires en 1937. N’ayant pas les moyens de poursuivre ses études, il commença à travailler en avril 1939 comme commis épicier dans la banlieue lyonnaise, puis comme ouvrier spécialisé dans une entreprise métallurgique à Saint-Genis-Laval (Rhône), puis comme manœuvre aux Entrepôts et docks lyonnais (alimentation), à Lyon-Vaise. Après le décès de sa mère, il travaille avec son père, avant de devenir monteur en galoches chez Aizac, un atelier du quartier de la Guillotière, à Lyon, jusqu’en mai 1945.
Lucien Chavrot avait adhéré à la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) au début de l’année 1940. Sollicité par le secrétariat général de ce mouvement pour en devenir permanent, il prit ses nouvelles fonctions en avril 1946 et fut d’abord chargé de Lyon et de son agglomération avant de devenir l’un des responsables de la province jociste du Sud-Est qui épousait sensiblement les contours de l’actuelle région Rhône-Alpes. Il assuma cette responsabilité jusqu’à son départ de la JOC en septembre 1949.

D’octobre 1949 à avril 1950, il suivit un stage de formation professionnelle accélérée (FPA) à la SIGMA, entreprise de mécanique à Villeurbanne (Rhône) et obtint le certificat de fin de stage de fraisage qui lui permettait de prétendre à la qualification de P1. Il se maria le 15 avril 1950 avec Marie Bernard, fille d’agriculteurs du Mottier (Isère), secrétaire sténodactylo à l’usine de tissage (Meyzin) de cette commune. Le couple eut trois fils (1951, 1957 et 1958).

Il fut embauché en mai 1950 chez Berliet, à Vénissieux (Rhône), affecté à l’atelier d’entretien fonderie. Il adhéra d’abord à la CFTC et fut délégué à l’hygiène et à la sécurité pour la fonderie. L’atelier occupait alors une cinquantaine d’ouvriers de toutes professions (tourneurs, fraiseurs, ajusteurs, chaudronniers, soudeurs, électriciens…) et était un bastion de la CGT. Mais rapidement, des désaccords apparurent sur l’orientation de l’activité syndicale, en particulier sur l’unité d’action, entre lui et les dirigeants du syndicat et de l’UD, créant une situation conflictuelle permanente. Lucien Chavrot y mit fin en juin 1951 en quittant la CFTC pour rejoindre la CGT.

Très vite, Lucien Chavrot assuma des responsabilités syndicales au sein de sa nouvelle organisation : délégué du personnel, délégué au comité d’établissement, secrétaire du comité d’entreprise… Selon son témoignage, la rapidité de cet accès aux responsabilités s’expliquait par la situation que connaissait Berliet à cette époque : à la suite de la levée en 1949 du séquestre de l’entreprise – appliqué à la Libération pour cause de collaboration avec l’ennemi et de condamnation de ses dirigeants – qui préludait au retour de Paul Berliet à la direction, plusieurs responsables de la CGT avaient été licenciés et il fallait pourvoir à leur remplacement.

Promu secrétaire général du syndicat des métaux de Vénissieux, auquel était rattachée la section syndicale Berliet, Lucien Chavrot fut élu au comité exécutif et au bureau de la Fédération des travailleurs de la métallurgie (FTM) en 1952. Devenant ainsi permanent au siège de la FTM, il déménagea avec sa famille à Gennevilliers (Seine, Hauts-de-Seine) où il vécut sans interruption jusqu’en 1985. Au sein du bureau fédéral, il fut chargé d’une branche industrielle (matériel roulant de chemin de fer et constructions mécaniques) avant de devenir secrétaire (1961), en charge de la propagande, puis secrétaire général adjoint (1964), responsabilité qu’il assuma jusqu’en 1973. De cette date jusqu’à son départ à la retraite en 1985, il travailla au Service confédéral de l’action revendicative et de la politique contractuelle de la CGT, aux côtés d’Oswald Calvetti, d’abord comme responsable des questions de conditions de travail, de durée du travail, de salaires et de classifications, puis, à partir de juillet 1982, comme responsable de l’ensemble du service.

Permanent syndical pendant trente-trois ans, Lucien Chavrot fut amené à exercer de nombreuses responsabilités de représentation de la CGT. Il siégea ainsi au Conseil économique et social de 1962 à 1964 (section « Production industrielle et de l’énergie ») et de 1975 à 1977 (section « Travail et relations professionnelles »), participa à plusieurs commissions du Plan de 1970 à 1985, à la Commission supérieure des conventions collectives, devenue Commission supérieure de la négociation collective, durant une douzaine d’années et fut membre du conseil d’administration de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) de sa création en 1974 jusqu’en 1985. Il participa en outre aux négociations paritaires nationales, notamment avec l’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM) en 1968 sur les salaires, les classifications professionnelles, les conventions collectives, et avec le CNPF en 1973 sur la réduction du temps de travail et sur les conditions de travail.

Il élabora aussi le premier document confédéral traitant de l’ensemble des aspects des problèmes de conditions de travail et des revendications s’y rapportant. Ce document devint la plate-forme revendicative intégrée au programme d’action de la Confédération et servit de base de propositions pour les négociations avec le CNPF sur ces sujets en 1972-1973. Toujours sur les mêmes sujets, il participa à des conférences ou rencontres bilatérales au niveau international : conférence internationale à Oslo en 1974, voyage d’étude sous l’égide de l’ANACT avec un représentant de la CFDT en Suède en 1977, participation dans les années 1978-1983 aux travaux d’une Commission européenne siégeant à Luxembourg sur les questions d’hygiène et de sécurité au travail, quatrième conférence syndicale européenne à Genève en 1981… Il s’attacha par ailleurs à développer une coopération interdisciplinaire avec des universitaires, ergonomes et autres spécialistes axés sur ces sujets.

Sur le plan politique, Lucien Chavrot avait adhéré au PCF en 1956. Rattaché à la cellule d’entreprise de SAVIEM à Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine), il fut membre du comité de section de cette localité pendant environ cinq ans, membre de la section économique du parti pendant une quinzaine d’années, avec la responsabilité d’un groupe de travail sur les conditions de travail, et fut également chargé de cours d’économie politique pendant une quinzaine d’années à l’École centrale d’un mois.

Après son départ à la retraite en mars 1985, Lucien Chavrot repartit vivre dans l’Isère avec son épouse en décembre de la même année et demeura un militant actif. En 1999, sur le plan syndical, il assumait la coordination des sections syndicales des retraités de la métallurgie CGT du département, siégeait au bureau de la section syndicale des retraités de RVI Vénissieux (Renault véhicules industriels, ex-Berliet) et faisait partie du conseil et du bureau de l’Union fédérale des retraités de la métallurgie CGT. Il fut ensuite, à sa demande, progressivement déchargé de certaines responsabilités, mais était toujours, en 2007, adhérent de la section syndicale des retraités de RVI Vénissieux et continuait à prendre part aux activités des autres sections syndicales de retraités de l’Isère. Sur le plan politique, il était, en 1999 comme en 2007, responsable du collectif « retraités » de la fédération PCF de l’Isère et membre du collectif national.

Il avait été l’un des fondateurs de l’Institut CGT d’histoire sociale de la métallurgie en 2001 et il n’hésitait pas à participer à son activité, comme à celle de l’Institut CGT d’histoire sociale de l’Isère.

Il avait été fait chevalier de l’Ordre national du Mérite en 1986.

Lucien Chavrot nous a quittés le 21 juin 2019.

Aller au contenu principal