1984 | La CGT aux côtés des mineurs britanniques en grève

© Coll. IHS CGT

12 octobre 1984. Une trentaine de camions s’élancent du siège national de la CGT, porte de Montreuil. À leur bord, 400 tonnes de produits alimentaires et hygiéniques, ainsi que 700 000 francs collectés à travers le pays. Dans la soirée, le convoi fait étape à Avion, dans le bassin minier du nord de la France, où l’attendent des centaines de militants enthousiastes. Même accueil le lendemain à Calais, où un meeting est improvisé sur le port avant l’embarquement pour Douvres en Angleterre.

Depuis plusieurs semaines, la solidarité bat son plein dans les rangs de la CGT, pour porter secours aux mineurs britanniques engagés depuis sept mois dans un conflit historique.

Le bras de fer de Thatcher contre les syndicats

Déclenchée le 6 mars pour s’opposer à la fermeture d’une vingtaine de puits, la grève mobilise 140 000 travailleurs du charbon – sur les 200 000 que compte alors ce secteur nationalisé.

Margaret Thatcher, à la tête du gouvernement conservateur, a choisi l’épreuve de force pour briser la résistance des mineurs et mettre au pas les syndicats. La « Dame de fer », après avoir méthodiquement restreint le droit de grève, envoie la police contre les piquets de grève. Les affrontements culminent le 18 juin, lorsqu’un déchaînement de violence s’abat sur les grévistes qui tentent de bloquer la cokerie d’Orgreave. La répression est sans précédent pour un conflit social : on compte plusieurs mineurs tués, 20 000 blessés et plus de 11 000 arrestations. Même Arthur Scargill, le charismatique et combatif leader du National union of mineworkers (NUM), le syndicat national des mineurs, est arrêté et violenté.

Pour asphyxier le mouvement syndical, le gouvernement britannique fait bloquer les comptes du NUM. Il mise aussi sur l’épuisement et la faim des communautés minières, en supprimant certaines allocations pour les familles de grévistes. Le gaz et l’électricité sont coupés dans les foyers qui ne peuvent plus payer les factures.

Mais la mobilisation tient bon. Grâce aux femmes d’abord, qui remuent ciel et terre pour organiser l’entraide, préparer les soupes populaires, collecter et répartir les fonds et l’aide matérielle. De larges secteurs de la société œuvrent à la solidarité – le film « Pride », sorti en 2014, met ainsi magnifiquement en lumière l’action des collectifs de gays et lesbiennes engagés aux côtés des grévistes.

« Opération Christmas »

En France, le soutien est d’abord orchestré par la Fédération CGT des travailleurs du sous-sol. Elle refuse de fournir du charbon destiné à l’export en Angleterre et organise à l’été 1984 l’accueil en France de 200 enfants de grévistes. La campagne s’étend ensuite à l’ensemble de la confédération. Après la réussite du premier convoi solidaire à l’automne, la CGT lance dans la foulée une nouvelle opération d’ampleur : offrir un cadeau de Noël à tous les enfants de mineurs en grève. Pari réussi, puisque les 13 et 21 décembre, deux nouveaux convois chargés de 150 000 jouets prennent la direction des cités minières du nord du Royaume-Uni.

« Personne n’a mieux soutenu notre année de lutte que la CGT de France et la classe ouvrière française », Arthur Scargill, président du NUM

Après un an d’un combat héroïque, la reprise du travail s’effectue finalement le 3 mars 1985, sans que les grévistes n’aient obtenu la moindre concession. Mais la détermination dont ont fait preuve les mineurs reste un objet de fierté dans la mémoire de la classe ouvrière britannique.

Bien que défaite, cette grève a également réveillé des réflexes internationalistes plus anciens, inscrits dans l’ADN du mouvement ouvrier. L’action déployée par la CGT à cette occasion rappelle en effet certaines pratiques de solidarité internationale déjà expérimentées par le passé, comme lors de la première grande grève des mineurs britanniques de 1926, ou lorsqu’il s’agissait en 1936 de sauver la République espagnole sous le feu des fascistes.

 

Article de Corentin Lahu publié dans le numéro 85 des Cahiers d’histoire de la métallurgie (septembre 2024).

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