En 1910, les ateliers du Paris-Orléans s’installent à Saint-Pierre-des-Corps (Loiret), dans un contexte où les chemins de fer sont en pleine expansion. Tours et sa banlieue sont devenus un centre ferroviaire important. Il y a besoin d’un grand chantier réparant les wagons et la maintenance des locomotives.
Durant la Première Guerre mondiale, les chemins de fer privés passent sous l’autorité militaire. Les chantiers sont utilisés à des fins militaires; on répare même des avions. Au départ de la guerre, les cheminots sont influencés par les partisans de I’Union sacrée mais I’agitation revendicative, les grèves vont se succéder pour obtenir l’augmentation des indemnités de cherté de la vie et la suppression du travail à la tâche.
4 550 agents sont syndiqués sur un effectif de 5 350. Vint ensuite les années d’après-guerre ; c’est la grève des cheminots de mars 1920 avec pour revendication principale la nationalisation du chemin de fer. La répression fut terrible et à St-Pierre des Corps il y eut plus 2 330 révocations.
Les ateliers furent fermés et les grévistes révoqués ; ils figuraient sur des listes dites « interdits d’embauches ». La vie fut difficile pour tous ces travailleurs et quelle émotion d’entendre leurs enfants. Quelques survivants évoquaient leurs parents et ce qu’eux mêmes avaient vécu. Mais la vie va continuer, difficilement bien sûr ; les ateliers sont alors concédés à la CGCEM, une entreprise privée d’entretien du matériel ferroviaire fixée à Nevers. Un ex-colonel de l’armée en est le directeur.
Des cheminots sont réintégrés, pas tous, certainement pas les plus combatifs.
Cette entreprise va exploiter les ateliers de réparation de Saint-Pierre-des-Corps jusqu’en 1936, date à laquelle va lui succéder la Compagnie Industrielle de Matériel en Transport (CIMT). Le 1er janvier 1938, les ateliers de Saint-Pierre-des-Corps deviennent propriété de la nouvelle entreprise SNCF nationalisée mais le personnel de I’atelier reste sous statut privé, géré par la CIMT. Un non sens.
La Seconde Guerre mondiale arrive, les métallurgistes cheminots de la CIMT ont formé le premier réseau de résistants tourangeaux contre l’occupant hitlérien et les collaborateurs de Vichy.
De nombreux faits de résistance proviennent de ce réseau, 53 militants résistants ont été arrêtés, 9 ont été fusillés, 22 seulement sont revenus déportation mais peu ont survécu après leur libération.
À la Libération, I’entreprise de Saint-Pierre-des-Corps fut l’une des toutes premières à mettre en place en l945 un comité d’entreprise. Mais toujours pas d’intégration à la SNCF.
En 1968, parmi tant d’autres, les salariés ont participé à ce large mouvement et aux acquis sociaux très importants obtenus. Mais toujours pas de nationalisation.
C’est le 18 mars 1977, après bien d’autres péripéties que le syndicat CGT organise une consultation à bulletin secret et 96 % des salariés se prononcent pour I’intégration à la SNCF. L’épreuve de force commence face au gouvernement de droite.
Nous sommes dans cette période dans la bataille de la CGT, de la Fédération des métaux pour les nationalisations des grands groupes industriels du pays. La situation de Cadoux est un non-sens ; entreprise privée travaillant dans des ateliers propriétés de la SNCF, avec du personnel cheminot géré par le privé.
La lutte des salariés, avec leur syndicat CGT et d’autres organisations, pour l’intégration à la SNCF a duré six ans. Des trains sont bloqués, des manifestations se succèdent. Même le tribunal a été un lieu de combat lorsque les militants du syndicat ont été assignés en justice.
La solidarité, la justice ont été clamées bien au-delà de l’entreprise et qu’elle a été la satisfaction quand le tribunal reconnut le bien-fondé de la lutte des travailleurs de chez Cadoux !
C’est une victoire qui préparait, qui amorçait l’intégration à la SNCF. Le 3 janvier 1983 après plein de péripéties, enfin c’était fait… Un événement pour lequel cheminots et métallos se retrouvèrent pour célébrer ce moment historique !