1909 | Une grève à Couesnon, à Paris

Le 12 octobre 1909, le journal L’Humanité reproduit une déclaration de la Chambre syndicale CGT des ouvriers en instruments de musique de Paris dénonçant les bas salaires et les conditions de travail qui règnent dans les ateliers. Pour y remédier, elle revendique la conclusion d’une convention collective définissant des règles applicables à toute la corporation. Quelques semaines plus tard, face au refus patronal d’ouvrir des négociations, la grève éclate le 7 décembre à l’usine Couesnon et Cie.

Cette manufacture, construite en 1881 par l’entreprise Gautrot basée à Château-Thierry (Aisne), est située au 94 rue d’Angoulême dans le onzième arrondissement. Elle rassemble, sous sa grande halle métallique surmontée d’une verrière, une petite centaine d’ouvriers très qualifiés, ainsi qu’une machine à vapeur, dans un environnement de travail rationnalisé, mais peu mécanisé. Amédée Couesnon, député radical-socialiste de l’Aisne et dirigeant de cette entreprise florissante, se présente volontiers comme un philanthrope, « d’une sympathie sans égal » pour ses ouvriers.

Cela ne l’empêche pas de placarder à la porte des ateliers une affiche menaçant de licencier les grévistes. Par articles de presse interposés, Amédée Couesnon et Édouard Soffray, le secrétaire de la Chambre syndicale, polémiquent sur le niveau des salaires pratiqué ou le nombre de bénéficiaires réels de la retraite d’entreprise. Les fêtes de fin d’année n’entament pas la détermination des 170 grévistes, soit la quasi-totalité du personnel de l’usine. Le 18 janvier 1910, le travail reprend après six semaines de grève. Amédée Couesnon accorde une augmentation des salaires, mais refuse toujours de conclure une convention collective.

Cette « demi-victoire » des salariés de Couesnon n’est toutefois pas inutile, car elle fait des émules. Le 29 janvier 1910, la grève éclate chez Vion, rue du Château-Landon (10e arr.), Evette et Schaeffer, passage du Grand-Cerf (2e arr.) ou encore chez Sudre, boulevard de Rochechouart (18e arr.). La quasi-totalité des entreprises de la corporation acceptent finalement d’augmenter les salaires, sauf chez Besson-Fondère au 96 rue d’Angoulême et Millereau au numéro 66 de la même rue.

Ces grèves de l’hiver 1909-1910 constituent un temps fort de l’histoire des ouvriers en instruments de musique de Paris, en raison des augmentations de salaire obtenues, de la solidarité matérielle et morale qui s’est exprimée à cette occasion et du rejet de la politique paternaliste menée par de nombreux patrons de cette corporation.

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