Ingénieurs, cadres et techniciens

Avant la Seconde Guerre mondiale, les ingénieurs et cadres (IC) sont rares parmi les adhérents à la CGT. En revanche, les dessinateurs et les techniciens, en particulier dans l’aéronautique, ont développé leurs propres organisations dès le début du XXe siècle. Mais il faut attendre la Libération pour que les IC, mais aussi les employés, techniciens, dessinateurs et agents de maîtrise (ETDAM) affluent à la FTM-CGT. Les premiers créent leur Syndicat national des cadres et ingénieurs de la métallurgie (SNCIM) en février 1945. Les seconds instituent des commissions ad hoc dans les structures syndicales existantes, avant de pouvoir créer leurs propres syndicats et sections syndicales à partir de 1952.

Avec la scission de 1947, le SNCIM est amputé de la moitié de ses membres. Mais dès le milieu des années cinquante, des luttes aboutissent favorablement chez les dactylos d’Alsthom à Belfort, chez les dessinateurs des chantiers navals de Saint-Nazaire. Pour autant, on ne recense qu’une poignée de syndicats et sections syndicales ETDAM, alors que ceux-ci représentent un quart du salariat de la métallurgie. Même constat chez les IC dont le nombre a doublé en dix ans, la syndicalisation peine à décoller. Le frémissement des luttes vire peu à peu à l’ébullition, à Thomson Bagneux, Bull Paris, Neyrpic Grenoble ou Sud-Aviation Rochefort. Le tournant intervient en mai-juin 68. Par milliers, les IC et ETDAM participent aux grèves et occupations, adhèrent et votent CGT. Des revendications aboutissent sur les salaires, la réduction du temps de travail et la formation professionnelle. La grille de classifications, refondue en juillet 1975, reconnaît les diplômes, institue une catégorie nouvelle, les « techniciens d’atelier ». Toutefois, les ingénieurs et cadres en sont exclus. Leur ralliement aux grèves et occupations a inquiété le patronat au point qu’il accepte l’idée d’une convention collective nationale propre à ces deux catégories, signée en mars 1972. Au nom du vieil adage « diviser pour mieux régner », il espère ainsi préserver sa mainmise sur l’encadrement.

C’est dans ce contexte que l’Union fédérale des ingénieurs, cadres et techniciens (UFICT) de la métallurgie voit le jour en janvier 1973. Elle regroupe en son sein les syndicats et sections syndicales des techniciens, dessinateurs, agents de maîtrise, ingénieurs et cadres, soit 10 000 adhérents. Son rôle n’est pas d’être une CGT bis, mais de favoriser l’adhésion des ICT, de développer leurs structures et d’élaborer une plateforme revendicative spécifique. L’UFICT compte rapidement 35 000 adhérents et peut tenir son premier congrès en novembre 1980. Mais cette dynamique s’enraye et la crise économique impose des luttes défensives. En 1985, des cadres CGT de Creusot-Loire s’efforcent, avec ceux de la banque, de démontrer que l’argent existe pour pérenniser l’entreprise. Dans l’aéronautique, on exige le développement d’un avion de combat français. Un rebond intervient à la fin de la décennie. Par la lutte, un niveau VI est créé dans la grille de classifications, comportant deux coefficients (395 et 425) pour les techniciens. C’est le signal du renouveau. Des plans de licenciements sont abandonnés grâce à la mobilisation des salariés, comme chez Thomson Sartrouville, à la Sochata Magny, chez Renault Flins et Le Mans. Au tournant des années 2000, l’UFICT compte un peu plus de 4 000 syndiqués pour 770 000 ICT dans la métallurgie. C’est peu, mais là où la CGT pèse, les droits sont mieux respectés. Démonstration en est faite avec les 35 heures, en 1998 et 2000, comme chez Mannesmann Rexroth à Vénissieux. Les nouvelles générations, sensibles à la reconnaissance de leurs études et diplômes, s’engagent contre le contrat d’insertion professionnelle (1994), le contrat première embauche (2006). Par là, elles démontrent leur disponibilité pour le syndicalisme. Un métallurgiste sur deux est aujourd’hui ICT, le syndicalisme spécifique reste donc, plus que jamais, d’actualité.

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