Les « métiers d’art », entendez par là les bijoutiers, orfèvres, joailliers, horlogers, diamantaires ou ouvriers en instruments de musique, sont des professions anciennes et hautement qualifiées. Il n’est donc pas étonnant qu’elles soient parmi les plus précocement organisées, notamment au sein de société de secours mutuels. La plus ancienne, la Société des orfèvres voit ainsi le jour en 1791, imitée ultérieurement par une douzaine d’autres, en particulier à Paris. Les métiers d’art figurent également parmi les premiers à se doter de structures syndicales, avec la naissance de la Chambre syndicale des ouvriers de l’orfèvrerie en 1867. Quelques années plus tôt, le patronat s’était fédéré au sein de l’Union Française de la Bijouterie, Joaillerie, Orfèvrerie, des Pierres et des perles (1864).
Les métiers d’art participent activement à la Commune de Paris. On doit d’ailleurs à l’un d’eux, Léo Frankel, ouvrier bijoutier d’origine hongroise, les principales mesures sociales communardes. L’écrasement de la Commune n’éteint pas la combativité ouvrière. Dès novembre 1871, les bijoutiers parisiens sont en grève pour réduire la durée du travail, avant de reconstituer leur syndicat en 1872. D’autres métiers d’art suivent cet exemple, chez les monteurs en boîtes d’argent de Besançon ou les bijoutiers de Marseille. Fin 1899, une Union des syndicats de la bijouterie et similaires voit le jour, transformée en 1901 en Fédération CGT des syndicats de la bijouterie et de l’orfèvrerie. Elle ne compte alors que 6 syndicats – tous parisiens – et 1 400 adhérents. Parmi les luttes de cette période, celle des horlogers de Cluses de 1904 a été marquante. La grève, déclenchée contre le licenciement d’ouvriers s’achève dans un bain de sang, avec trois morts et de nombreux blessés. Au congrès d’unification des métaux, en 1909, la Fédération de la bijouterie et de l’orfèvrerie, qui regroupe 15 syndicats et 2 250 adhérents, repousse la fusion avec la FTM-CGT.
Mise en sommeil durant la Première Guerre mondiale, la Fédération est affaiblie par la scission syndicale de 1921. Une majorité de ses syndicats, notamment parisiens, rallie la CGTU, tandis que huit syndicats, en particulier lyonnais, restent à la CGT. Les deux fédérations CGTU et CGT, respectivement dirigées par Louis Sancier et André Trivery se réunifient en 1936. Après la Seconde Guerre mondiale, la Fédération se reconstitue et accueille avec réserve la « bataille de la production ». Lors de la scission de 1947, seuls les syndicats de Septmoncel et de Saint-Claude rejoignent Force ouvrière, tandis que celui de Bordeaux opte pour l’autonomie. Ce qui représente tout de même un millier d’adhérents en moins, sur les 5 000 revendiqués. Louis Sancier, secrétaire général de la Fédération, est remplacé par Émile Landré, du bijou parisien, à son décès en 1956. Jacques Veicle lui succède en 1967 à la tête d’une Fédération marquée par l’atomisation du salariat en une multitude de métiers très qualifiés, dans de petites entreprises artisanales. En dépit de ces obstacles, des luttes importantes sont menées, comme à l’horlogerie Hénin en mai-juin 1952 ou chez Christofle en 1955 et en 1960. Les grèves de mai-juin 1968 entraînent un regain d’activité, sur les salaires, les retraites complémentaires, l’apprentissage ou encore le travail à domicile. Parmi les avancées, une convention collective nationale est obtenue en juin 1970, ainsi que la création de quatre nouveaux certificats d’aptitude professionnelle en 1973-1974.
En novembre 1973, l’adhésion des métiers d’art est ratifiée par le congrès de la FTM-CGT, ainsi que leur regroupement dans une Union des syndicats des industries des métaux d’art (USIMA) comprenant 1 900 adhérents dans 23 syndicats. Mais les métiers d’art sont à la veille de grands bouleversements comme l’accentuation de la concurrence étrangère, une concentration accrue dans le bijou fantaisie ou les instruments de musique, la montée en puissance de la montre à quartz, le repli sur le haut de gamme et des productions à haute valeur ajoutée.