Marche des sidérurgistes, occupation des toits de l’Opéra Garnier, 23 mars 1979 © Pierre Trovel/DR – Mémoires d’Humanité/AD93
Marche des sidérurgistes, occupation des toits de l’Opéra Garnier, 23 mars 1979 © Pierre Trovel/DR – Mémoires d’Humanité/AD93
Marche des sidérurgistes, occupation des toits de l’Opéra Garnier, 23 mars 1979 © Pierre Trovel/DR – Mémoires d’Humanité/AD93
Ce dossier, consacré à la grande lutte des sidérurgistes d’USINOR à Denain en 1979, est publié dans le numéro 90 des Cahiers d’histoire de la métallurgie (décembre 2025).
1979 | La « bataille de l’acier » à Usinor Denain
Située au cœur du bassin minier du Nord de la France, Denain a longtemps été la capitale du charbon et de l’acier. Son usine sidérurgique, fondée en 1837, faisait la fierté des habitant.e.s de la « ville feumière », rebaptisée ainsi du fait des fumées recrachées par ses innombrables cheminées. Rattachée en 1948 au groupe Usinor, elle a employé jusqu’à 12 000 salarié.e.s et constituait l’un des principaux sites de production de l’acier en France.
Alors, quand en décembre 1978 le gouvernement dévoile son plan de restructuration de la sidérurgie, la nouvelle fait l’effet d’une bombe. Il prévoit la suppression de 21 750 emplois, dont 6 500 à Longwy en Lorraine et 5 000 à Denain. Dans la population, la colère succède rapidement à la stupeur. Une bataille de longue haleine s’engage.
Tout au long de l’année 1979, les sidérurgistes sont sur le pied de guerre, mobilisant un répertoire d’actions qui associe démonstrations de masse, opérations coups de poing et des formes d’actions parfois inédites. Pour appuyer le rapport de force durant les négociations, des initiatives plus ou moins musclées fleurissent : blocages des trains et des autoroutes, occupations de la chambre patronale, d’agences bancaires et de centres d’impôts, prise de parole de l’intersyndicale lors d’un match de football à Valenciennes, journées portes ouvertes à l’usine… Le 9 février, 46 autocars quittent Denain en direction de la capitale, où les ouvriers bloquent le périphérique et les accès à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Une semaine plus tard, une marée humaine de plus de 50 000 personnes défile à Valenciennes.
Le 7 mars, au lendemain de provocations policières à l’encontre de grévistes, Denain s’embrase. Toute la journée, et jusque tard dans la nuit, des affrontements violents opposent les sidérurgistes aux gardes mobiles et font de nombreux blessés. La ville est en émeute. Des coups de feu résonnent dans la soirée. Le lendemain, de nombreuses grèves de solidarité éclatent dans le département. À Denain, la tension reste forte et les grévistes obtiennent le départ des CRS. Le souvenir des grèves très dures de 1947 et 1948 ressurgit. « Ce ne sont pas des hommes qui font de la dentelle ici, mais des sidérurgistes », déclare Gustave Ansart, député communiste du Nord qui, tout au long de cette bataille, demeure aux côtés des sidérurgistes. Quelques jours plus tard, les Unions départementales CGT du Nord et du Pas-de-Calais créent Radio Quinquin, une radio pirate émettant depuis un HLM de Denain. Comme la radio Lorraine Cœur d’Acier à Longwy, elle se fait le relais du combat des sidérurgistes et donne la parole aux grévistes.
Le 23 mars, plus de 100 000 personnes participent à Paris à la grande marche de solidarité avec les sidérurgistes, organisée par la CGT. Mais au lendemain de cette puissante démonstration de force, les médias et une partie de l’opinion publique ne retiennent que les violents affrontements qui ont émaillé cette journée historique. Dans les semaines suivantes, la grève s’étend dans les usines sidérurgiques du pays.
Durant l’été 1979, une convention sociale, fixant les conditions de départ des ouvriers, est adoptée par le patronat et les syndicats. Seule la CGT, qui a produit un mémorandum proposant des solutions alternatives pour développer la sidérurgie française, refuse de signer et appelle à poursuivre la lutte. En fin d’année, les ouvriers de l’usine décident de l’occupation de l’usine et du blocage de la production durant plus d’un mois, sans parvenir toutefois à enrayer la casse industrielle. En juillet 1980, le dernier haut-fourneau de Denain est mis à l’arrêt. « Cheminées muettes, portails verrouillés », comme le chantera deux décennies plus tard Bernard Lavilliers.
Par Corentin Lahu (historien et archiviste de la FTM-CGT)
Chronologie de la lutte des sidérurgistes à Denain et dans le Nord-Pas-de-Calais :
- 30 août 1978 | Distribution de tracts CGT-CFDT. Premières réactions à la rumeur de 3 000 licenciements possibles à Denain. Gustave Ansart, député communiste de Denain, se déclare indigné devant le gâchis de tant d’hommes, de cerveaux, de matériels. Il réclame une commission d’enquête sur les fonds publics et un droit de regard sur leur utilisation.
- 6 septembre 1978 | Les représentants CGT-CFDT-CGC-FO-CFTC d’Usinor Denain se réunissent et lancent un appel à la mobilisation de tous les travailleurs de l’entreprise.
- 14 septembre 1978 | A l’appel du maire de Denain, les élu.e.s de 34 communes avoisinantes se retrouvent afin d’étudier les formes d’actions qu’ils pourraient entreprendre pour défendre l’emploi.
- 15 novembre 1978 | Une délégation régionale CGT de la métallurgie, emmenée par Bernard Lamirand, est reçue au ministère de l’industrie et place le gouvernement devant ses lourdes responsabilités.
- 12 décembre 1978 | Le PDG d’Usinor annonce devant le Comité central la suppression de 5000 emplois à Denain et 550 à Valenciennes. Plusieurs centaines de sidérurgistes de Denain et de Trith-Saint-Léger sont rassemblés à l’extérieur. La colère est terrible et les bureaux de la Direction générale sont bloqués pendant plusieurs heures par les salariés, furieux de cette annonce inacceptable.
- 13 décembre 1978 | A 11 Heures, près de 3 000 ouvriers, employés, techniciens et cadres sont rassemblés devant la direction. Belmire Rodriguez, Secrétaire général du syndicat CGT d’Usinor Denain, prend la parole : « Monsieur Etchégaray, vous bradez les hommes, les enfants, la France. Vous devez démissionner. Pour vous, il n’y a que le profit ; il n’est pourtant pas loin le temps où Usinor Denain, avec deux millions de tonnes d’acier, battait le record d’Europe de production ». Dans l’après-midi, face aux questions d’actualités à l’assemblée nationale, et en particulier celles des interventions d’Alain Bocquet et de François Mitterrand, le Premier ministre parle d’une convention sociale et déclare « qu’il ne faut pas confondre suppression d’emplois et licenciements ».
- 19 décembre 1978 | Monseigneur Jenny, Archevêque de Cambrai, déclare : « nous devons travailler à sauver cette région, spécialement le Hainaut-Cambrésis, où depuis un demi-siècle, c’est le travail de la population qui a donné à notre pays un nouveau visage et une valeur exceptionnelle. […] Certes nous avons connu la guerre et l’invasion ; nous avons fait face ; devant d’autres calamité nous ferons face ! ».
- 20 décembre 1978 | 10 000 personnes défilent à Valenciennes, déclarée Ville Morte. Au théâtre municipal de Denain, 1 500 personnes participent à un meeting du Parti communiste, en présence de Charles Fiterman, secrétaire du Comité central du PCF, et des députés Gustave Ansart et Alain Bocquet.
- 22 décembre 1978 | Manifestation énorme à Denain. Plus de 30 000 personnes parcourent la ville. Les banderoles sont nombreuses : « contre le plan Davignon » et « non à la mort du Valenciennois ».
- 5 janvier 1979 | En présence de François Dumez, Secrétaire général de l’UD CGT du Nord, les principaux responsables CGT se rendent en groupe à la sous-préfecture et brûlent un mannequin représentant le PDG D’Usinor.
- 10 janvier 1979 | Des militants CGT occupent la chambre patronale de la métallurgie, située place Froissart à Valenciennes.
- 12 janvier 1979 | Conférence de presse de la CGT Métaux à Lille, Bernard Lamirand déclare : « la restructuration a été décidée par l’Europe. Elle est inacceptable. Elle vise à long terme à réduire la sidérurgie française ».
- 16 janvier 1979 | Le Premier ministre Raymond Barre annonce un plan de reconversion pour le Nord. Gustave Ansart déclare : « ce sont des mesures dérisoires ».
- 18 janvier 1979 | 2 500 femmes de mineurs et de sidérurgistes manifestent à Paris pour l’emploi. Ce même jour, une mission parlementaire d’information se rend à Denain. L’ensemble des fédérations nationales de la métallurgie sauf FO annoncent une grève de 24 heures vers la mi-février.
- 25 janvier 1979 | Henri Krasucki, au nom de la CGT, indique que des initiatives de grandes envergures et unitaires se préparent pour les semaines à venir. Ce même jour, les ouvriers de l’aciérie quittent leur travail et bloquent la circulation.
- 26 janvier 1979 | Grande effervescence à Usinor Denain. Les ouvriers sortent vers le centre-ville, vers Lourches, occupent les agences bancaires, bloquent le trafic ferroviaire, la perception de Denain, des documents sont brulés. Les CRS interviennent : Denain vient de voir les forces de répression apparaître. Le pouvoir montre ses dents.
- 1er février 1979 | Apprenant le transfert sur le littoral de la centrale électrique de 30 MW, mise en service début 1978, un millier de sidérurgistes entrent dans les bureaux de l’usine et brûlent des dossiers.
- 6 février 1979 | Des négociations débutent au niveau national entre le ministre du Travail Boulin et les délégations nationales syndicales des sidérurgistes. Le gouvernement se déclare prêt à des préretraites à 55 ans. Denain, ce jour là, craignant de nouvelles mesures, les conducteurs du service mouvement bloquent la voie ferrée reliant Usinor à Cail.
- 7 février 1979 | Le Président de la République Giscard d’Estaing, méprisant les sidérurgistes, déclare dans le journal Le Monde: « Longwy n’est pas la Lorraine, Denain et Valenciennes ne sont pas le Nord et le Pas de calais, et ces deux régions ne sont pas la France ».
- 9 février 1979 | 46 autocars quittent Denain pour une journée de protestation à Paris. « Usinor Denain vivra » : c’est le slogan qui parcourra le trajet et les étapes jusqu’à Paris. Les accès de l’aéroport Roissy Charles-De-Gaulle seront bloqués, de même que le périphérique. A l’aéroport, c’est l’affrontement : 40 blessés sont à relever, dont un ouvrier blessé sérieusement.
- 16 février 1979 | Grande journée de lutte dans le valenciennois et dans toute la région Nord-Pas-de-Calais. A Valenciennes c’est une marée humaine de plusieurs kilomètres qui défile ; une manifestation record : plus de cinquante mille participants provenant de toutes les couches de la population.
- 21 février 1979 | François Miterrand se déplace à Denain et dénonce le plan sidérurgie.
- 22 février 1979 | Le personnel d’Usinor Denain se rassemble devant la direction, un cortège de 150 voitures se dirige vers Valenciennes et paralyse le trafic ferroviaire en gare de Valenciennes. La gare d’Aulnoye est elle aussi paralysée. La ligne Cologne-Paris est bloquée. Un train de laitier importé d’Allemagne est déchargé sur le ballast. Le centre-ville de Denain et la gare sont paralysés ainsi que l’autoroute A2.
- 23 février 1979 | Quarante-quatre représentants des cinq fédérations de la métallurgie rencontrent le ministre de l’Industrie Giraud. Après dix heures de discussion, échec…
- 26 février 1979 | 3 000 ouvriers et employés défilent jusqu’à Douchy et Lourches avec un engin de transport de poche d’acier liquide. L’engin restera immobilisé plusieurs jours à l’entrés de l’usine.
- 27 février 1979 | L’intersyndicale prend la parole au stade Nungesser lors du match Valenciennes-Angers et reçoit un accueil solidaire du public et des joueurs de football.
- 28 février 1979 | Les sidérurgistes denaisiens se rendent à la chambre syndicale de la sidérurgie et endommagent celle-ci, de même que la direction des douanes. Dans l’après-midi, ils bloquent l’autoroute, se dirigent vers Cambrai, font le siège de l’hôtel-de-ville, puis occupent les impôts et brûlent les feuilles d’impôts.
- 6 mars 1979 | A Quiévrechain, 3 000 ouvriers se trouvent face-à-face avec les forces de police. Le député communiste George Bustin est malmené par les forces de répression. Au retour, après des affrontements à Saint-Amand-les-Eaux, les CRS à Hasnon, avec une rare violence, brisent les vitres des cars, jettent des grenades lacrymogènes et matraquent les grévistes. En apprenant ce grave événement, toute la population de Denain va manifester sa colère le lendemain.
- 7 mars 1979 | Tous les sidérurgistes de Denain, plus de 5 000, se rassemblent à l’entrée de l’usine. Les CRS et les gardes mobiles sont dans la ville et au commissariat. L’affrontement va durer toute la journée et tard dans la nuit. La ville est en émeute. La population prend faits et causes pour les salariés de Denain. Des travailleurs venant de toute la région viennent prêter main forte. De nombreuses personnes et enfants sont intoxiquées par les gaz lacrymogènes. Il y a de nombreux blessés parmi les sidérurgistes. On voit des forces de police avec des frondes. Un jeune homme est frappé à coups de crosse de fusil. Un ouvrier a la main partiellement arrachée par une grenade qu’il veut renvoyer. Les CRS poursuivent des militants qui essayent de trouver refuge au lycée polyvalent. A Paris, les cinq fédérations sont en réunion avec le PDG d’’Usinor : celui-ci refuse toute évolution de son plan. André Sainjon, secrétaire général de la FTM CGT, et la délégation CGT quittent la réunion immédiatement en apprenant la répression qui s’abat sur Denain. François Dumez, secrétaire général de l’UD CGT Nord et Bernard Lamirand, responsable régional de la CGT Métaux Nord-Pas-de-Calais, présents depuis le matin avec le syndicat de Denain et ses représentants (Belmire Rodriguez, Robert Châtelain et Bernard Ethuin) font une déclaration demandant le retrait des forces de police de Denain. Gustave Ansart intervient de son côté auprès du gouvernement. Une déclaration de toutes les organisations syndicales est faite, dénonçant la répression et reportant la responsabilité de ces événements sur le gouvernement. Des coups de fusil seront tirés dans la soirée en direction des forces de police : plusieurs blessés. Personne ne saura jamais qui a tiré.
- 8 mars 1979 | De nombreuses grèves se déclenchent dans le Nord-Pas-de-Calais, en signe de solidarité. Les travailleurs de Renault Douai et d’Usinor Dunkerque viennent apporter leur soutien. Des négociations sont entamées pour le départ des CRS de Denain ; ceux-ci partiront dans la journée. Des combats se poursuivront face au commissariat. A Paris, les fédérations syndicales sont reçues par le ministre du Travail. Celui-ci confirme son accord pour l’abaissement de la cessation d’activité à 55 ans, voire 50 ans. Le secrétaire du comité de coordination métaux, Victor Droulez, déclare sa confiance aux sidérurgistes de Denain pour déjouer les provocations et ne pas rester seuls face au pouvoir.
- 9 mars 1979 | Georges Séguy, secrétaire général de la CGT arrive à Denain. Devant 6 000 personnes, au train à bandes, il déclare : « faute d’avoir pu réduire la résistance des sidérurgistes (…) le gouvernement et le patronat imaginaient porter un coup décisif à Denain (…) eh bien c’est raté (…) c’est un succès dont la portée dépasse largement le cadre de Denain et du Valenciennois… ». Ce même jour, les Unions départementales CGT du Nord et du Pas-de-Calais inaugurent la radio de lutte, Radio Quinquin, dans un appartement HLM de Denain. Pour la première émission, l’invité sera Georges Séguy ; Daniel Pollet, de l’UD Nord en est le responsable.
- 10 mars 1979 | Grande manifestation de protestation à Denain contre les violences policières et en soutien à la lutte des sidérurgistes. 15 000 personnes y participent, avec une forte délégation de Longwy.
- 13 mars 1979 | Plusieurs milliers de lycéens et étudiants manifestent à Valenciennes, Condé, Vieux Condé.
- 15 mars 1979 | Un projet de commission d’enquête est voté par l’Assemblée nationale. Une délégation de l’intersyndicale est expulsée de l’Assemblée nationale après avoir réclamé le maintien de la production de la fonte et de l’acier.
- 21 mars 1979 | Opération portes-ouvertes dans les entreprises sidérurgiques du Valenciennois. 10 000 visiteurs dont 6 000 à Denain. Les travailleurs d’Usinor Dunkerque, de Montataire apportent leur soutien.
- 23 mars 1979 | Grande manifestation à Paris des sidérurgistes, organisée par la CGT. Plus de 100000 participants. Le Nord-Pas-de-Calais et Denain sont très représentés. De nombreuses autres délégations venant de toute la France apportent leur soutien. De nombreux arrêts de travail dans toute le France avec des défilés. A la fin de la manifestation, des autonomes cassent les vitrines commerçantes et les forces de police interviennent contre les manifestants, poursuivis jusqu’aux gares du Nord et de l’Est. Ces provocations laisseront apparaître des liens entre provocateurs et ministère de l’intérieur.
- 27 mars 1979 | L’opération portes-ouvertes prévue à Denain sera unitaire.
- 31 mars et 1er avril 1979 | 30 000 personnes visitent l’usine de Denain. Jean-Claude Casadesus et l’orchestre Philarmonique du Nord se déclarent solidaires. A Usinor Dunkerque démarre une grève qui durera plusieurs semaines.
- 6 avril 1979 | La direction générale d’Usinor confirme son plan de casse : fermeture des usines de Chiers, Anzin et Trith, l’arrêt de la production de Denain est repoussé d’un an, le train à bandes est maintenu et le coût des adaptations est estimé à 180 millions de francs. 3 500 suppressions d’emplois à Denain sont fixées pour 1979. 600 mutations pour au plus tard fin 1980. 1 900 mesures de préretraites. 750 personnes en formation. A Grande-Synthe, la manifestation et le meeting au palais du littoral mobilisent plusieurs milliers de personnes.
- 10 avril 1979 | Extension des grèves. L’aciérie de Denain est paralysée et Usinor Mardyck est à l’arrêt. Poursuite à Usinor Dunkerque et dans le Dunkerquois. Le haut-fourneau de Solmer est bloqué.
- 18 avril 1979 | Organisation d’une période sans acier, à l’appel de la CGT-CFDT-CFTC au niveau national. L’Usine de Denain est totalement arrêté le 18 avril.
- 1er mai 1979 | Célébration unitaire du 1er mai à Denain. Plusieurs milliers de manifestants à l’entrée principale d’Usinor Denain, pour un meeting en présence d’Henri Krasucki qui s’élève avec vigueur contre le plan Davignon.
- 3 mai 1979 | L’intersyndicale de Denain rencontre le commissaire Européen Davignon. Echec.
- 4 mai 1979 | Le bureau confédéral de la CGT lance un appel pour soutenir la lutte des sidérurgistes et la création d’un fond de solidarité. Une consultation a lieu, organisée par le CGT au haut-fourneau, pour déterminer les possibilités d’occupation de l’usine.
- 14 mai 1979 | Répression et mises à pied de militants. Résultats de la consultation organisée par le CGT, concernant l’occupation de l’usine de Denain : sur 6 000 salariés, 2 383 votants, 1 858 contre, 513 pour, 12 blancs.
- 17 mai 1979 | Démarrage des négociations nationales. Violents affrontements à Longwy et brouillage de la radio CGT Lorraine Cœur d’acier.
- 18 mai 1979 | Brouillage de Radio Quinquin.
- 29 mai 1979 | Plusieurs centaines de sidérurgistes à l’appel de la CGT se déplacent à Lille et occupent le consulat d’Allemagne.
- 1er juin 1979 | Soutien des travailleurs de Renault Douai aux 250 sidérurgistes qui ont reçu un avis de mutations vers cette usine. Les délégués CGT de Renault Douai les préviennent de ce qui les attend, dans le cas où ils accepteraient de partir dans cette usine de l’automobile.
- 6 juin 1979 | La CGT Nord-Pas-de-Calais organise une marche pour l’emploi, les sidérurgistes de Denain ouvrent la manifestation.
- 11 juin 1979 | Report de la réunion paritaire à la Chambre syndicale de la sidérurgie sur les salaires, suite à la présence des CRS qui bouclent l’endroit. Fin du conflit à Fos-sur-Mer, qui a duré un mois.
- 29 juin 1979 | Le Conseil Economique et Social publie un rapport avec de sévères critiques à l’égard du gouvernement, concernant l’avenir de la sidérurgie française. Ce rapport a été préparé par le secrétaire général de l’UFICT-CGT, membre du CES, Pierre Louis Marger. La CGT publie un mémorandum sur la sidérurgie qui va à l’encontre des décisions européennes et gouvernementales. Ce document fait grand bruit car il démonte les arguments du plan Davignon et propose des solutions d’avenir.
- 5 juillet 1979 | Les négociations concernant la nouvelle convention sociale de la sidérurgie prennent fin à Paris. Commencées le 23 mai, elles se concluent après 17 réunions sur un projet de convention générale de protection sociale prévoyant des retraites anticipées et des mutations. Dans la délégation CGT, Bernard Lamirand et Elie Salengro représentent le Nord-Pas-de-Calais. La CGT, avec son journal La Vie Ouvrière, organisera une vaste consultation nationale posant la question : acceptez-vous les mesures d’âges et le rejet des décisions prévoyant la fermeture de Longwy, de Denain, de Trith ?
- 6 juillet 1979 | Passage difficile du tour de France à Denain. Les CRS chargent et des manifestants sont blessés.
- 17 juillet 1979 | Consultation organisée par la CGT à Denain, concernant la convention sociale : 4 151 bulletins distribués, 3 009 votants, 2 825 oui à la question posée par la CGT de voter les mesures sociales et de rejeter les mutations.
- 19 juillet 1979 | La CFDT intervient pour que les mutations se fassent sur la base du volontariat.
- Nuit du 24 au 25 Juillet 1979 | Les syndicats CFDT-FO-CGC-CFTC- signent la convention sociale. La CGT la refuse à partir d’un vote national à plus de 80 % et sur la base du refus des mutations. A noter que la délégation CGT voulait signer la partie préretraite seulement et cela lui a été refusé par le gouvernement et le patronat de la métallurgie.
- 23 août 1979 | La cheminée de l’agglomération d’Usinor Denain est abattue.
- 27 août 1979 | Reprise du travail après les congés. Meeting de la CGT pour la poursuite de la lutte. Tracts de la CFDT pour expliquer sa signature de la convention sociale.
- 14 septembre 1979 | Plusieurs centaines de salariés de Denain se rassemblent à l’appel de la CGT et défilent dans la ville.
- 30 septembre 1979 | L’Orchestre philarmonique de Lille vient jouer au théâtre municipal par solidarité avec les sidérurgistes en lutte et remet son cachet aux délégués.
- 19 octobre 1979 | Meeting de la CGT, seule devant le refus des autres organisations syndicales. Belmire Rodriguez présente son remplaçant, Bernard Ethuin, comme secrétaire du syndicat.
- 2 novembre 1979 | Le dernier four Martin est arrêté et 70 millions de francs seront consacrés à la modernisation du train à bandes.
- 7 novembre 1979 | Radio Quinquin reprend ses émissions avec un nouvel émetteur à Thiant.
- 13 novembre 1979 | Les syndicats signataires de la convention sociale, après contact avec la Chambre de commerce de Valenciennes, s’aperçoivent que les emplois prévus pour 1980 sont quasiment inexistants.
- 15 novembre 1979 | Le front des signataires est informé par le PDG d’Usinor de l’arrêt de la production d’acier pour l’été 1980.
- 26 novembre 1979 | 1 644 travailleurs de Denain reçoivent une lettre de la direction générale leur annonçant la suppression de leur emploi. La CGT tient un meeting et propose l’occupation de l’usine par une grève reconductible. Des ouvriers ayant reçu leur lettre se précipitent vers les bureaux de la direction, s’emparent de documents mécanographiques et les jettent par la fenêtre.
- 27 novembre 1979 | Meeting et adoption à main levée de l’occupation de l’usine par le CGT.
- 6 décembre 1979 | Vœu du conseil municipal de Denain contre la décision des 1 700 mutations conduisant à plus de 7 000 suppressions d’emplois induits.
- 18 décembre 1979 | Au Comité central d’entreprise Usinor, le PDG réaffirme l’irrévocabilité de la fermeture de Denain. Un groupe de sidérurgistes bloque la gare SNCF à Valenciennes.
- 19 décembre 1979 | Assemblée à l’appel de la CGT et défilé dans la ville. Le Parti communiste organise un rassemblement intitulé « un noël de solidarité avec les femmes et les enfants des sidérurgistes ».
- 21 décembre 1979 | Plus d’un millier de sidérurgiste occupent les locaux du consulat d’Allemagne à Lille et font part au consul de leur opposition au plan Davignon.
- 25 décembre 1979 | Des sidérurgistes CGT d’Usinor Denain déploient une banderole sur le parvis de Notre-Dame de Paris, peu de temps avant la messe de minuit.
La bataille de l’acier se poursuivra en 1980. Les installations de production de fonte et d’acier seront arrêtées dans l’année. L’arrivée de François Miterrand comme Président de la République et de Pierre Mauroy comme Premier ministre suscitera un grand espoir. Celui-ci fut rapidement déçu par les décisions du gouvernement de fermer le reste des installations sidérurgiques de Denain. Un nouveau plan acier en 1984, décidé par Pierre Mauroy et Laurent Fabius suscitera à nouveau de grandes luttes. Aujourd’hui, ce que l’on peut constater, c’est qu’il n’y a pas eu surproduction mais plutôt pénurie d’acier dans les années 1990-2000, et qu’en guise de sauvegarde de la sidérurgie européennes, celle-ci a été démantelée et reprise par un nouveau maitre des forges hindous, Mittal, qui en quelques années réalisera des profits énormes avec l’aide et la participation financière de l’Europe.
Chronologie établie par Bernard Lamirand (ancien responsable de la branche sidérurgie de la FTM-CGT) et Bernard Ethuin (ancien Secrétaire général du syndicat CGT Usinor Denain)